LETTRE DE BUENOS AIRES
Rita, Posta, Franja… Presque partout dans les quartiers branchés de Buenos Aires fleurissent ces commerces aux noms courts et à la griffe similaire : petits, soignés, une carte restreinte affichant à l’ardoise les incontournables « flat white », « latte » et « expresso ». Depuis trois ans environ, l’Argentine connaît un boom des « cafés de spécialité », à savoir des établissements proposant une boisson de meilleure qualité, depuis le grain jusqu’aux méthodes de torréfaction ou d’entretien des machines.
La tendance a surgi là où toutes les modes gastronomiques commencent, à Palermo, le quartier en vogue et touristique de Buenos Aires, avant de s’emparer du reste de la ville. Mais elle a aussi essaimé dans le reste du pays. « Il y a un changement de goût. Car la culture du café a toujours existé ici : les Argentins adorent se retrouver dehors pour le goûter, ou pour prendre leur petit-déjeuner avec un croissant [« medialuna », dans sa version argentine] et un café. Mais maintenant ils le font avec une boisson de qualité », remarque le barista Ramsès Balzan, en sirotant à une terrasse de la capitale une infusion filtrée du Honduras aux notes de chocolat et de fruits rouges. Pendant longtemps, boire un expresso en Argentine a donné la grimace aux amateurs de noir. Dans les tasses des troquets de quartier : une infusion au goût amer, parfois brûlé, servi trop chaud.
Dans un article publié en 2019, BBC Mundo tâche d’expliquer « pourquoi le café est si mauvais à Buenos Aires, la ville des plus beaux cafés ». Même dans les somptueux « bars notables », déclarés patrimoine culturel en raison de leur architecture ou histoire, « le café en lui-même n’a jamais été important. Ce qui l’est, c’est le fait de se retrouver physiquement dans cet espace », expliquait alors au média britannique Carlos Cantini, auteur du blog Café Contado. D’autant que, selon le spécialiste, parmi les millions d’immigrés italiens et espagnols ayant débarqué en Argentine entre la fin du XIXe et le début du XXe siècle, ce sont les Espagnols qui ont imposé leur culture du café, de mauvaise qualité. D’ailleurs, au pays du maté (l’infusion typique de la région), la consommation annuelle par habitant s’élève seulement à 1 kg, relève l’agence de presse Télam (contre 5 kg dans l’Union européenne).
Marge brute de 75 %
« Nous, le café, on le prépare avec beaucoup de concentration. Pour un expresso, c’est 30 millilitres d’eau et 18 grammes de café pesés à la balance. On le sert à 70 °C pour qu’il conserve toute sa saveur », s’enorgueillit Eugenia Cuttat, responsable du premier Cuervo, pionnier du café de spécialité à Buenos Aires, ouvert en 2017 avant trois établissements du même nom lancés les années suivantes.
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