Quatre semaines après les massacres de civils israéliens perpétrés par les miliciens du Hamas lors de l’attaque terroriste du 7 octobre, l’armée israélienne poursuit des opérations militaires d’une ampleur sans précédent à Gaza. Les morts et les destructions s’accumulent, sans que la presse internationale puisse en rendre directement compte. L’accès à l’étroite bande de terre lui est en effet interdit par les autorités israéliennes.
Une telle situation est intolérable, comme est encore plus intolérable le lourd tribut versé par les journalistes palestiniens et leurs familles, dont plus d’une vingtaine ont été tués depuis le 8 octobre dans l’exercice de leur métier ou dans le bombardement de leur domicile. C’est presque le double du nombre de journaliste tués en Ukraine en vingt mois de guerre, et ce bilan n’est hélas que provisoire.
Ces morts ne représentent qu’une partie, la plus dramatique, du blocus de l’information que tente d’imposer l’Etat hébreu. D’autres journalistes ont dû quitter précipitamment leurs lieux de travail pour se réfugier dans des zones jugées plus sûres, abandonnant leur matériel, y compris de protection, selon l’organisation Reporters sans frontières (RSF), qui parle d’une logique « d’étouffement médiatique ».
Ce dernier est facilité par l’état devenu catastrophique d’un réseau électrique durement touché par les frappes israéliennes, lorsque les moyens de communication ne sont pas purement et simplement coupés par l’Etat hébreu, comme cela a été le cas le 28 octobre.
Rumeur et propagande
La cinquantaine de destructions de médias recensée par le Syndicat palestinien de la presse est un autre aspect de cette guerre contre l’information. Cette pratique, qui s’inscrit dans une logique d’occultation de la réalité de Gaza, n’est pas nouvelle. En 2021 déjà, au cours d’une précédente campagne militaire, les bureaux de la télévision qatarie Al-Jazira et ceux de l’agence de presse américaine Associated Press, installés dans un immeuble de douze étages, avaient été détruits dans le bombardement de l’édifice après avoir été évacués précipitamment. Comme toujours dans de telles circonstances, l’armée israélienne s’était justifiée en arguant de la présence dans le bâtiment d’entités liées à l’aile militaire du Hamas.
En dehors de Gaza, un journaliste de l’agence Reuters, venu couvrir les échanges de tirs entre l’armée israélienne et la milice du Hezbollah, a également été tué à la frontière entre Israël et le Liban, le 13 octobre. Une enquête de RSF vient aussi de conclure au ciblage délibéré de la position occupée par le groupe de journalistes dont le reporter faisait partie, sans en attribuer la responsabilité.
Cette situation délétère fait le jeu de la rumeur et de la propagande, pour le bénéfice du Hamas, qui n’a que faire de la liberté d’informer. Elle ne peut que contribuer à l’exacerbation des passions, qui mène à l’abîme.
Le blocus médiatique de Gaza est incompatible avec les principes de l’Etat démocratique, dont Israël se targue d’être le seul exemple au Moyen-Orient. Il survient après que l’Etat hébreu a tout mis en œuvre pour que le monde entier, par le truchement de la presse, mesure le niveau de barbarie atteint lors des massacres du 7 octobre. Il ne peut y avoir deux poids deux mesures en matière d’information. Israël doit renoncer à ce huis clos.