« Un thème important, c’est une alimentation complète, et notamment la consommation des produits de la mer. En 2022, la consommation moyenne de poisson par individu s’est établie à 22,6 kilogrammes, alors que le ministère de la santé recommande 28 kilogrammes… » Qui est l’auteur de cette phrase ? Un coach « bien-être » sur YouTube ? Le directeur d’une grande surface ? Non, le dirigeant d’une puissance nucléaire engagée dans une guerre « existentielle » face à l’Occident. Vladimir Poutine conclut d’ailleurs son intervention à sa manière particulière, par un traditionnel reproche au subordonné qui a mal travaillé : « Ilia Vassilievitch [Chestakov, directeur de l’agence des pêches], pourquoi vous n’avez pas atteint cet objectif ? »
Ce mercredi 16 août, jour de rentrée du gouvernement, le président russe est sur tous les fronts médiatiques. Avant de disserter sur la consommation de poisson, il se penchait sur le sort du rouble, amputé du quart de sa valeur face au dollar. Le lendemain, il inaugurait une ligne de métro moscovite, et relançait la promesse de quadriller « sous peu » le territoire russe de lignes de train à grande vitesse. Un serpent de mer vieux de trente ans, un projet régulièrement réactivé et aussi vite oublié.
Depuis le début de l’été, Vladimir Poutine donne l’impression d’être partout. Certes, il a dû se faire représenter au sommet des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), réunis à Johannesburg du mardi 22 au jeudi 24 août, où s’étend la menace d’une inculpation par la Cour pénale internationale, mais sur les écrans russes, il est omniprésent. Les journaux télévisés et les talk-shows d’information le montrent recevant ministres et gouverneurs à son bureau, distribuant décorations et remontrances… Selon le décompte du Monde, sur la base de ses engagements répertoriés par le site du Kremlin, le président russe a été, en moyenne, plus actif pendant la période estivale que durant les six premiers mois de l’année.
Bains de foule
Cette suractivité d’un chef d’Etat que certains de ses concitoyens moquaient comme « retranché dans son bunker » débute au mois de juin, période durant laquelle M. Poutine, souvent enjoué, s’exprime régulièrement sur l’« échec » de la contre-offensive ukrainienne, lui qui n’avait pas fait le moindre commentaire sur la situation au cours des six mois de guerre écoulés.
La mutinerie de la milice Wagner, les 23 et 24 juin, au cours de laquelle a plané l’hypothèse d’un renversement du pouvoir, accentue la tendance. Dans la foulée du coup d’Etat avorté, Vladimir Poutine se prête même à un exercice impensable – des bains de foule. Lui que l’on s’était habitué à voir à l’abri de ses tables interminables ou ne gérant le pays que par visioconférence s’avance vers la foule massée à Derbent, au Daghestan, puis à Kronstadt, enlace des femmes, embrasse des enfants. « Mais ils n’ont pas fait de quarantaine ! », s’exaspère le journaliste Andreï Kolesnikov, qui fait partie des reporters de sa suite, et à ce titre condamné à un isolement quasi permanent.
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