« L’Europe et la France doivent faire pression sur le gouvernement sortant du Guatemala afin qu’il respecte l’expression de la volonté populaire »

Plus de vingt-cinq ans ont passé au Guatemala depuis la signature des accords de paix qui mirent fin, le 29 décembre 1996, à une guerre civile commencée dans les années 1960 et qui connut son apogée entre 1978 et 1984. Pourtant, depuis 2018, le pays est en proie à un recul continu des libertés fondamentales et à une mise en cause de l’Etat de droit.

Pour tout un pan du pouvoir économique, associé à des ex-militaires dénonçant comme « communiste » tout ce qui relève de la démocratie et de l’Etat de droit, il semble que la guerre froide n’ait jamais cessé. Et leur refus obstiné de la démocratie s’accentue encore.

Elu président le 20 août à la surprise de tous, dans des conditions régulières, Bernardo Arevalo fait face à l’opposition féroce des groupes oligarchiques et de la classe politique, qui veulent empêcher son accès au pouvoir.

Le Tribunal suprême électoral ayant interdit plusieurs candidatures jugées indésirables pour les élites, celles-ci pensaient ainsi avoir verrouillé l’élection à travers l’habituel financement de partis devant garantir la défense de leurs intérêts. Un échec, car, rejetant les représentants d’un système corrompu, les Guatémaltèques ont élu pour président Bernardo Arevalo, candidat de Semilla, parti fondé en 2015 lors du grand mouvement de protestation contre la corruption.

Les coups de force et complots

Face à cette défaite, le gouvernement sortant, les élites économiques et un noyau de militaires nostalgiques des dictatures ne se contentent plus de propagande anticommuniste anachronique et de « fake news », mais multiplient coups de force et complots. La Commission interaméricaine des droits humains a ainsi révélé en août l’existence d’un plan visant à assassiner Bernardo Arevalo et la vice-présidente Karin Herrera.

Bernardo Arevalo, sociologue, ancien diplomate, est un réformiste conséquent, à l’image de son père Juan José Arevalo, élu président de la République en 1944 et incarnation du « printemps démocratique » guatémaltèque (1944-1954). Bernardo Arevalo entend, au premier chef, restaurer l’Etat de droit et faire la chasse aux fonctionnaires et politiques corrompus.

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Les discours alarmistes le comparant à Hugo Chavez ne sont que des balivernes avant tout révélatrices de la terreur qu’inspire la possibilité d’une justice indépendante luttant contre d’anciens criminels de guerre et contre la corruption de nombreux élus et magistrats impliqués dans des affaires illégales et dans le narcotrafic.

Le caractère systémique de la corruption

Cette peur d’une justice indépendante tient au rôle joué, de 2006 à 2018, par la Commission internationale contre l’impunité au Guatemala (Cicig), qui, mandatée par l’ONU, a assisté le ministère public et la police dans de nombreuses enquêtes et mis en lumière le caractère systémique de la corruption.

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