Pour faire passer son métro, la mairie d’Athènes coupe les arbres sous le pied d’un quartier rebelle

Le 6 novembre, à l’aube, Mata Kastrisiou se réveille en panique. La trentenaire a été avertie de l’arrivée d’ouvriers et de camions prêts à abattre les quelque soixante-dix arbres trônant sur la place Exárchia, au centre du quartier athénien du même nom, connu pour être historiquement contestataire. Elle alerte ses camarades et se rend à toute vitesse sur les lieux du « crime écologique », selon les termes employés par les militants. « Nous avons crié après les ouvriers en leur demandant de nous présenter les permis pour couper les arbres. Ils n’en avaient pas ! », s’insurge l’artiste.

Avec un millier d’autres habitants, Mata Kastrisiou manifeste l’après-midi même, essuyant des jets de gaz lacrymogènes ­lancés par des policiers venus en renfort. « Mais nous ne nous sommes pas laissé intimider, nous avons porté plainte et le procureur d’Athènes a demandé à l’entreprise que les travaux soient arrêtés jusqu’à ce que les permis soient présentés. Malgré cela, les ouvriers continuent à travailler ! », s’exclame la jeune femme.

Depuis plus d’un an, Mata Kastrisiou s’est affirmée comme une des figures de proue du mouvement s’opposant à la construction d’une nouvelle station de métro sur la place Exárchia. La ligne 4 doit permettre de desservir trente-cinq stations dans la région de l’Attique, qui entoure la capitale grecque. Le gouvernement conservateur et la mairie d’Athènes défendent ce projet qui, selon eux, permettra de désengorger le centre-ville, asphyxié par la circulation automobile. Mais, à Exárchia, les habitants regrettent que d’autres propositions visant à construire la station ailleurs que sur cette place, ombragée par de hauts arbres, n’aient pas été retenues.

Le berceau de l’anarchisme grec

Depuis août 2022, le chantier entouré de tôles et protégé par une cinquantaine de policiers, était à l’arrêt. Les habitants avaient réussi à freiner les travaux grâce à de multiples manifestations, une pétition et un recours devant la Cour suprême, arguant qu’ils n’avaient pas été consultés et informés par la municipalité. Pour Alexis Likoudis, venu manifester le 11 novembre, « il existe une volonté politique du gouvernement conservateur de réduire au silence ce quartier contestataire, qui a toujours été à la pointe des révoltes étudiantes et des mouvements de ­solidarité ». La bataille pour ­préserver les arbres a ainsi été ­raillée par le ministre du travail, Ádonis Georgiádis, qui l’a ­qualifiée de « gymnastique révolutionnaire ».

Lire aussi le reportage : Article réservé à nos abonnés A Exarchia, quartier contestataire d’Athènes, un métro de la discorde

Exárchia n’est pas un quartier comme un autre. Historiquement marqué à gauche, il a vu naître le soulèvement des étudiants contre la junte militaire au pouvoir de 1967 à 1974. Le 17 novembre 1973, les colonels envoient l’armée dans l’École polytechnique, à quelques mètres de la place principale. L’assaut fait au moins vingt-quatre morts et des dizaines de blessés. Un événement fondateur pour la gauche grecque. Dans ce berceau de l’anarchisme grec, il n’y a ni banque ni grande enseigne.

Il vous reste 45% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.